21 juin 2021 : jour de l'été, nous partons dans un pays qui est en hiver. Nous ne faisons décidément rien comme tout le monde. Bon vol avec Ethiopian airlines via Addis, bien arrivés en Namibie, impeccable ! La Namibie est en pleine 3ème vague covid, nous n'allons pas tenter le diable en trainant à Windhoek, aussi, nous prenons un logement près de l'aéroport, de façon à eviter la ville et partir directement sur de petites pistes peu fréquentées
23 juin 2021, départ pour " le grand rien". Let's go into the wild.
En vélo sur des pistes incroyables, pas d'eau à part celle que nous transportons, pas de bouffe à part la nôtre, apportée de France, rouler en Namibie c'est trop de la balle ! Mais le terrain n'est pas facile. Nous avions vaguement regardé le profil de la route sur le GPS, mais sur le terrain, surprise, nous avons eu énormément de up and down, car sur notre trajet, nous rencontrons beaucoup de petites rivières (à sec). Souvent, au cours des traversées de ces rivières, il nous faut pousser dans une bonne couche de sable, ce qui rend notre progression assez lente.
Quelques jours plus tard :
Bush de là
La Namibie est un grand et magnifique pays. En 15 jours de voiture, vous aurez vu l'essentiel de ses merveilles, en 1 mois, votre tête sera farcie de magnifiques images, vous en aurez peut-être même ras le bol. Nous voyageons différemment. Pas de jugement, nous n'avons rien à vendre, ni à prouver, chacun voit midi à sa porte, mais nous préférons vivre la Namibie. En nous déplaçant lentement, en optant pour le camping sauvage dans les bosquets, au calme et loin des regards, calfeutrés dans notre palace de toile, à des années lumière des lodges de luxe. Vivre la Namibie de l'intérieur. Nous apprécions beaucoup être de temps à autre invités à passer la nuit, merci à Hendricks (fermier blanc), à Godefried et Nathalie (fermiers noirs, leur chien s'appelle Bruno...), à Léopard (fermier noir, qui nous a permis de camper dans un champ, avec ses génisses qui ont passé une partie de la nuit à lécher notre tente). Merci aussi à Kawamba (fermier noir) de nous avoir filé 4 œufs, 2 oignons et des kumqats alors que nous n'avions plus grand chose à sortir de nos sacoches. Car l'itinéraire que nous avons choisi, de Windhoek à Grootfontein a été long et difficile, pire que nous l'avions imaginé. Les gens sus cités sont à peu près les seuls que nous ayons rencontrés sur 450 km, imaginez ! Nous étions donc seuls dans ces immenses espaces, exposés aux éléments. On dit qu'en Namibie, les panoramas sont à couper le souffle, je peux vous assurer qu'ici, ce ne sont pas les paysages qui nous ont coupé le souffle, non. Il n'y avait franchement rien à voir, du bush et des bestioles (phacochères en pagaille, écureuils ou surricates et un genre de biches gracieuses et craintives). Il nous a fallu 9 jours pour venir à bout de cette piste parfois roulante, mais le plus souvent chaotique. Elle nous a demandé de l’énergie, beaucoup de concentration et nous avons eu parfois une telle dose de rage qu’on aurait pû perdre les pédales. Entre joie et colère, jurons et fou-rire, les humeurs ont été aussi imprévisibles que le vent, ce salaud. Vive la vie et l'aventure !
7 juillet.
Nous voici aux portes d'Etosha, un parc pour les animaux sauvages grand comme la moitié de la Suisse ou comme 4 fois notre département. Nous ne sommes pas fan de safaris. Pour moi, le top pour voir des animaux sauvages, c'est de regarder un bon documentaire, affalé sur son canapé. Les images sont magnifiques, les animaux sont tout près, il n'y a pas besoin de se taper le cul dans un 4 x 4 des journées entières pour voir la queue d'un léopard. Mais là quand même, la seule réserve africaine qui ne pratique pas des tarifs débiles, on ne va pas bouder ça. Ouais, mais Il est interdit d'y rouler en vélo et on n'a pas de voiture ! Finalement, ce sont 2 charmantes jeunes filles, Monica et Émeline, rencontrées à Tsumeb qui nous conduisent au parc avec leur voiture. Nous nous installons au camp Halali pour une nuit. À 5 minutes à pied de notre tente, un point d'eau nous réserve de belles surprises. À la tombée de la nuit, ce sont deux, puis cinq rhinos noirs qui viennent s'abreuver. Nous ne sommes pas équipés pour la photo animalière, sorry, mais vous les voyez quand même les 2 pépères ?
Au petit matin, 6h30, nous partons faire un tour organisé de 2 heures, il fait une froid polaire, nous sommes absolument gelés car installés à l'extérieur du 4 x 4 , pour, en théorie observer les animaux. En pratique, nous n'avons quasi rien vu, hormis une paire de girafes, mais ça, c'est très commun en Afrique, et un trio de chacals, dont on n'a pas grand chose à faire. On aurait pû largement se passer de cet attrape couillons.
Sortons néanmoins émerveillés par ce que nous avons vu au trou d'eau, des dizaines d'éléphants, les rhinos et toute la faune habituelle, zèbres, bêtes à cornes, autruches.
C'est la tête pleine d'images que nous récupérons nos vélos, que l'on avait laissés dans un camping et partons vers les terres himbas, enfin la vraie Afrique ! (après le sud peuplé de blancs...)
10 juillet, déjà
Cette route B1, qui traverse le pays de part en part (de l'Angola à l'Afrique du Sud) marque pour nous une pause dans notre aventure sauvage. Ici, dans chaque ville, on trouve tout, des supermarchés Shoprite très bien achalandés avec de la nourriture sous plastique, du coca, et toutes sortes de boissons de toutes les couleurs. Nous pouvons aussi manger de la viande grillée sur des petits étals de rue. Toutes les villes se ressemblent (ne ressemblent à rien), et elles commencent toutes par la lettre O : Oshivelo, Omuthiya, Oshakati, Outapi. Plus de la moitié de l'ensemble de la population namibienne vit dans ici, région qui ne pèse seulement 6 % du territoire. C'est donc le seul endroit vraiment peuplé de la Namibie, au moins 5 fois plus que la moyenne nationale. Les Ovambo sont de loin le plus important groupe ethnique du pays et le terme Ovamboland (un homeland territoire réservé aux noirs à cause de la politique de l'apartheid) est encore en usage en dépit de la division administrative de 1990. Tout le monde se déplace en voiture, la conduite est très rapide, et dangereuse pour nous en ville. À la décharge de ceux qui nous rasent, rien n'a été fait pour les cyclistes, d'ailleurs il n'y a pas de cyclistes. Bref, peu de charme à cette partie de la Namibie, ras le bol de bouffer des lignes droites goudronnées, avons hâte de retrouver les pistes sableuses et la solitude !! Alors, on appuie sur les pédales et arrivons vite à la frontière de l'Angola, frontière fermée depuis le début covid, très dommage, nous aimerions beaucoup visiter ce pays. Nous ne sommes pas déçus, il faut toujours garder de beaux projets sous le coude.
À Ruacana, nous faisons étape chez un français, qui s'appelle Bruno et qui nous réserve un accueil incroyable. Une très belle soirée, mais nous ne attarderons pas davantage, car nous avons envie d'être vite sur cette piste dont on rêve depuis longtemps mais décrite comme difficile, et on a encore beaucoup à pédaler pour finir notre boucle
Le long de la rivière Kunene : Himba land
L'Angola toujours fermé, hélas, nous bifurquons le long de la rivière Kunene. Nous faisons un détour pour aller voir les fameuses chutes de Ruacana, mais elles ne sont pas en eau, le site n'a rien d'extraordinaire. Nous filons, nous avons perdu pas mal d'altitude depuis notre départ, et il commence à faire bien chaud au soleil. Cela fait longtemps que nous rêvons de rouler sur cette piste, réputée difficile, même pour les 4x4. Chance, elle a été refaite il y a 3 ans, la rendant beaucoup plus abordable. Mais ces putains de côtes une fois avalées nous ramènent toujours vers le bas. Ce sont de véritables toboggans. En gros, cette piste, c'est 163 km de up and down, avec des montées à plus de 15 pour cent, et des parties très roulantes quand même, sinon, nous nous mettrions en grève.
Et maintenant, nous quittons la civilisation à nouveau. Hautes températures le jour, froid mordant la nuit, up and down incessants sur piste plus ou moins roulante, isolement, approvisionnement difficile, nous sommes bien exposés aux éléments dans ce pays. Mais croyez moi, quand le soir arrive, que vous commencez votre petit rituel, que votre chéri monte la tente et prépare votre petit nid, pendant que vous lui mijotez vos inévitables pâtes sauce tomate puis quand enfin vous allez glisser dans votre sac de couchage avec le sentiment d'une journée bien accomplie, alors...., alors.... , vous êtes la plus heureuse des femmes.
Et nous voici à Kamanjab. À vrai dire, nous n'avions pas prévu de nous arrêter dans cette ville, mais, alors que nous partons en direction du col Grootberg, des jeunes nous dissuadent de continuer, car sur cet itinéraire, des lions ont attaqué une ferme cette nuit, tuant 76 chèvres. Nous décidons de nous poser ici, le temps d'obtenir d'autres infos. La radio locale diffuse l'info à longueur de journée en donnant des conseils de prudence car en général les lions ne viennent pas près des habitations. Ça nous coupe un peu l'envie de dormir au bord d'un buisson. Et cette nuit au Ann's Lodge (plutôt un bed and breakfast qu'un lodge...) nous fait un bien fou🙄😉. Demain, nous sortons le plan B, ce devrait être un chouette itinéraire aussi.
Nous quittons Kamanjab et roulons maintenant plein sud, dans le Damaraland. Nous sommes sur une petite piste très sympa, les lions sont sans doute bien présents ici aussi, mais personne ne nous en a parlé, ça fait la différence. Cependant ce soir, plutôt que nous poser en rase campagne, ce soir nous faisons un "j'irai dormir chez vous" dans la cour d'une ferme. Les petits enfants sont en vacances chez leur grand mère. C'est une dame adorable qui ne roule pas sur l'or, elle vit dans cette baraque sans eau ni électricité, elle possède seulement une vingtaine de chèvres. Rien ne pousse ici, il n'y a que des cailloux et du sable, toujours la même histoire, lors de la partition du pays, on a mis les blancs sur les meilleurs terres et les noirs sur les tas de cailloux. Nous passons une bonne nuit, et une chose est certaine, nous pouvons repasser ici à tout moment, Ernestine se fera une joie de nous accueillir. Merci à tous ces africains au grand cœur, grâce à eux, nos nuits sont devenues paisibles, pas de rêves de gros chats voulant nous manger !
Je vous le concède, à voir ces longues lignes droites sans rien autour, au prime abord cette piste paraît ennuyeuse. Pourtant, elle nous plaît. Nous voyageons lentement en nous imprégnant de l'environnement. Chaque détail attire notre attention. En passant rapidement en voiture, auriez vous vu ce bel épouvantail ? Auriez vous discuté avec cette famille Damara (habitants du Damaraland) ? Auriez vous vu qu'il y avait la grand mère à l’arrière de la carriole ? Et le chien qui escorte tout ce petit monde ? Alors voilà, même si cela peut paraître un peu stupide ou fou de pédaler dans cette immensité, nous continuons. Ça peut paraître étrange de voyager comme nous le faisons à notre âge, mais nous ne changerons pas notre vie, c’est celle ci qui nous rend heureux.
À partir d'ici, je ne note plus les dates, (qui ont finalement peu d'importance), je me contente de vous raconter quelques tranches de vie vécues sur ces pistes indescriptibles tellement c'est jouissif.
Ce soir, à un carrefour, quelques maisons par ci par là, d'où nous entendons une invitation à nous approcher. Nous arrivons à d'une maison aux allures de "Bagdad café" et sommes chaleureusement accueillis par Moise qui propose de nous installer sur sa terrasse. Moise tient une épicerie dont les rayons sont absolument vides, car à cause du covid et de l'interdiction de circulation entre régions (sauf pour les touristes que nous sommes), il n'a pas été ravitaillé. Il nous fait apporter 2 bières fraîches par son voisin qui a un frigo. Ce garçon a immédiatement compris ce qui fait plaisir à des cyclistes, un abri pour ne pas rester en plein vent et de la bière fraîche, ce qui laisse supposer qu'il a déja hébergé des cyclistes. "ça arrive souvent, et c'était quand, Moise ?" Oh, non, pas souvent, mais un italien à vélo s'est arrêté là il y a 2 ans ! Merci à ce rital buveur de bière qui a ouvert la voie !
"La chance sourit aux audacieux, aux soûlards et aux chanceux" (J. L Antoine)
Nous sommes de nouveau chanceux ce soir. Le vent est terrible, furieux, nous passons devant une petite échoppe tenue parune famille qui vend des bricoles aux éventuels touristes qui auraient la gentillesse de lever le pied de l'accélérateur du 4 x 4, et iraient même jusqu'à s'arrêter, mais cette année c'est la dèche. Cette absence de tourisme fait notre bonheur, mais pas celui des namibiens...Nous nous installons en face, près de leur maison, davantage un cabanon qu'une maison, ces gens ne roulent définitivement pas sur l'or, le monsieur vient nous aider à faire une petite protection pour faire cuire nos pâtes, car dans le vent c'est difficile de mijoter notre repas gastro. Pour le couchage, c'est réglé, une petite structure accueille notre tente qui rentre pile poil à l'intérieur. Laissez moi vous dire qu'après cette lutte inégale contre Eole toute la journée, nous ne tardons pas à nous y engouffrer et dormons comme des bébés ! C'est fou le temps que nous passons au lit ici, d'une part parceque les activités festives sont plutôt rares dans les déserts, mais surtout parxequ'il fait froid la nuit. Il ne gèle pas, mais c'est à la limite. Au petit matin, la famille part dans la petite échope, où nous accomplissons notre bonne action du jour, c.a.d acheter une babiole pas lourde (j'ai déjà les 4 poupées) "pour porter chance "à la petite famille", mais il y a fort à craindre qu'aujourdhui encore, aucun touriste ne passera et s'arrêtera....
Et puis, nous voici à Uis, où nous prenons une journée de repos. Le gérant du camping Cactus coffee est très sympa, nous lui demandons conseil pour la suite de notre aventure, car à partir de là, plusieurs pistes sont envisageables. Compte tenu du fait que nous avons un peu de temps devant nous, il nous conseille de passer par les montagnes Erongo, détour que nous ne regretterons pas, sauf le premier jour, car la piste est vraiment une merde !
À part du sable, z'avez quoi au menu ?
De la tôle ondulée.
Et quoi encore ? Du vent de face ? Punaise, une journée qui démarre bien !
La vie de cycliste n'est pas facile tous les jours. Elle est exigeante physiquement, et aussi psychologiquement. S'adapter aux situations changeantes, aux bonnes et mauvaises surprises. Au début de sa vie de cyclovoyageur, quand les difficultés arrivent, on tempête, on jure, on se dit que l'on ne recommencera pas et puis on apprend à accepter tout cela avec philosophie. Le jour où l'on réalise que l'imprévu est une chance, la chance de découvrir une situation nouvelle, alors à partir de ce jour là, tout n'est plus que bonheur.
PS : malgré cette positive attitude, je dois avouer que ce jour là, on en a chié !
😜😜
La piste s'améliore un peu, puis devient très sablonneuse, quelques chutes évitées de justesse et force jurons. Nous arrivons à la porte d'un conservancy (c'est un parc animalier, mais privé) .
Je vous rassure de suite, nous n'allons pas être bouffés par les gros chats, bien qu'ils soient présents sur le panneau, le gardien assure qu'il n'y en a plus. Par contre, il y a des rhinocéros noirs, mais très difficiles à voir. La guest farm n'est qu'à une dizaine de km, et c'est magnifique par ici ! Au camping, nous croyons être seuls à des km à la ronde, mais au petit matin, nous entendons des chants...
Vous vous souvenez du film "les dieux sont tombés sur la tête" ? Jetée par le pilote d'un petit avion qui survole la région, une bouteille de Coca atterrit au beau milieu du désert parmi une tribu de bushmen ébahis ! Pour ces individus dits non-civilisés, qui vivent paisiblement en harmonie avec la nature, ce contact avec la civilisation est un véritable choc... Et bien voilà, ce matin, nous nous dirigeons vers l'endroit d'où viennent les chants et tombons sur un groupe de Bushmen San, ce peuple emblématique d’une grande partie du Sud de l’Afrique, principalement le Botswana et la Namibie. Ils sont bien sympa ma foi, il y en a un qui parle parfaitement anglais, il nous fait une démonstration montrant comment il piège les "poules sauvages". Mais ce peuple, à l'origine chasseur cueilleur vit dans le désert du Kalahari, et nous en sommes loin... Comme nous nous en étonnons, le brave gars nous crache le morceau : ce sont les patrons de la conservancy qui les ont fait venir ici pour 3 mois, pour les touristes. Ils ne chassent pas, ne cueillent pas, ce sont les patrons de la conservancy qui leur apportent leur bouffe. Les chants que nous avons entendus étaient pour un groupe de touristes en 4 x4 venus les visiter...Pendant ces 3 mois, nos bushmen vivent quasi à poil, vous apprennent à faire du feu avec 2 bâtons, à piéger les poules sauvages, mais sachez que le reste du temps, ils sont habillés à l'occidentale, ont bagnole, maison, téléphone portable, et boivent.... du coca ! Tout fout le camp, ma pauvre Lucette. Voilà donc l'envers du décor, toute une mise en scène pour satisfaire des touristes curieux de rencontrer des "bons sauvages", ces ballots ne se rendront même pas compte de la supercherie..
Nous restons finalement plus longtemps que prévu dans cette région, et allons encore passer une nuit dans le coin : comme nous n'avons plus de victuailles, nous repassons à la guest farm qui nous vend un pavé de zèbre et deux ou 3 bricoles pour le petit déjeuner.
Se délecter d'un pavé de viande cuit dans une pelle, voir le soleil se coucher puis se glisser dans son duvet posé dans une grotte aménagée, bercés par les cris des babouins. Cela ne vous fait pas envie ??
Nous voici maintenant sortis des montagnes Erongo, non sans avoir fait une photo souvenir à l'aide du retardateur., une prouesse car toute les photos sont faites avec le téléphone, et ce n'est pas facile de faire tenir un téléphone sur sa tranche.
Chemin faisant, nous faisons connaissance de cet étrange équipage, et j'en profite pour vous glisser cet article de journal qui montre, une fois de plus, la stupidité et la cruauté des chinois :
Article paru dans le journal "Le monde"
"Au même titre que l’ivoire des éléphants, les cornes de rhinocéros ou les écailles de pangolin, la peau des ânes africains est très recherchée par les Chinois. « Nous nous en servons pour produire un sirop qui s’appelle ejiao, nous explique un pharmacien de Pékin. Avec la gélatine qui se trouve dans la peau des ânes, nous fabriquons un tonic sanguin qui permet de soigner toutes sortes de maux comme l’anémie, la toux sèche ou les conséquences de la ménopause… Mais aussi l’insomnie ou la fatigue chronique. C’est un médicament que nous utilisons en Chine depuis de longues années."
Seulement, l’appétit grandissant pour cette pharmacopée, dont les prétendues vertus ne sont validées par aucune preuve scientifique, a conduit à diviser par deux la population d’ânes en quelques années seulement dans l’empire du Milieu.
Ecorchés vifs
C’est donc vers l’Afrique que la Chine s’est tournée pour s’approvisionner illégalement en peaux et en viande d’âne. Dans des proportions telles que l’ONG Donkey Sanctuary (« sanctuaire pour les ânes ») tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport publié au début de l’année, elle appelle à l’interdiction de ce commerce sous peine de voir disparaître le quadrupède africain comme ont quasiment disparu avant lui de nombreuses espèces animales. L’ONG pointe aussi la cruauté dont le mammifère est victime. Sur les plaines du continent, des gangs déciment des troupeaux entiers. Les carcasses sont dépecées sur place, les peaux, arrachées et revendues à des commerçants chinois.
Selon la Société de prévention contre la cruauté animale (SPCA) d’Afrique du Sud, les animaux sont en général volés aux fermiers puis battus à mort à coups de marteau, et parfois écorchés vifs. 😬
Nous voici en route pour la montagne de Spitzkoppe, que l'on compare parfois au Cervin. N'exagérons pas, elle n'a pas sa prestance, mais il faut avouer que la voir émerger audessus d'une étendue franchement plate, c'est un choc. Les pistes dans le coin sont très bien travaillées par la niveleuse, c'est agréable. Cependant, nous quittons l'itinéraire principal pour un joli petit racourci, sur une piste improbable et arrivons fort tard à l'entrée de Spitzkoppe.
Le camping (officiel, pas question de dormir dans les fourrés dans le coin) est désert et nous prenons le premier emplacement car la nuit tombe. Nous déménageons le lendemain mation pour nous poser au pied de cette magnifique arche, dont on voit la photo sur n'importe quel prospectus parlant de la Namibie. Nous n'avons pas failli à la tradition : se photographier dessus. Avec un petit plus par rapport aux photos habituelles, puisque nous y montons les vélos ! Ce n'est pas une mince affaire, et fiers de notre prouesse du soir, avec un seul vélo, nous y remontons le lendemain avec les 2 vélos.
Après avoir touricoté pas mal dans ces somptueux paysages, et bu des cafés à la petite terrasse du bar de l'entrée, accompagné des nanas super sympa qui travaillent là, c'est le moment de repartir bouffer du désert.
La Namibie est une Afrique multiple, complexe. La nature est splendide, je suis en mode contemplation. Les conditions de vie de la population noire sont telles que je passe parfois en mode consternation. Dans un village manifestement très pauvre, la petite Stéphanie court vers moi avec ses copines, se plante devant mon vélo et me demande tout de go : “madame, est ce que c'est beau de visiter le monde ?" Sa maman travaille avec les touristes, et Stéphanie a déjà bien conscience qu'elle ne verra probablement jamais autre chose que son village. Nous avons une chance inouïe de vivre dans des pays développés, d'avoir accès à l'éducation, aux soins médicaux , et de pouvoir voyager à notre guise. Ne l'oublions jamais.
Suite à la rencontre avec Stéphanie, je regarde sur internet le prix d'une nuitée pour deux personnes dans un lodge de luxe. Consternation, c'est l'équivalent de 4 mois de salaire d'une personne travaillant dans le tourisme (une serveuse par exemple) et cela me rappelle ce passage du livre "cartographie de l'oubli" de Niels Labuzan. Il parle des noirs Ovambos qui cherchent les diamants dans des camps établis par les allemands au début du 20 ème siècle, et écrit : "les Ovambos, c'est comme des chiens qui cherchent des truffes dans le sud de la France. Ils font tout le boulot mais n'ont pas le droit de toucher au plat". Un siècle plus tard, les noirs sont maintenant libres dans leur pays, mais ceux qui font le boulot ne touchent pas grand chose au plat.
Arrivés à un carrefour, 3 gamins sont là. Bruno s'adresse à Weslie, Boto et Close (tous les 3 équipés de lance pierres) :
Mais pourquoi vous tuez ces pauvres oiseaux ?
Pour manger, c'est bon Monsieur !
Petit rappel historique : À la fin 19 ème siècle : les allemands débarquent en Namibie. Ils ont pour mission de créer une colonie de peuplement. Ils s’imaginent être des bâtisseurs, apporter la modernité. Pour arriver à leur fin, ils tuent massivement, déplacent les peuples, en prenant soin de ne laisser aux noirs que les terres les plus arides, les tas de cailloux où rien ne peut pousser.
Les allemands partis, c'est l'Afrique du Sud qui supervise le pays, et rien ne change. Puis c'est enfin l'indépendance, et rien ne change...
2021 : les noirs sont toujours dans des baraques en tôle posées sur les terres arides, en plein soleil, sans eau ni électricité. Leurs enfants chassent les oiseaux pour manger un peu de viande. C'était donc ça l'accès à la modernité ?
Le vent est encore fort ce soir, nous décidons de poser la tente derrière la maison en tôle d'Ernestine. Elle est sympa, nous lui proposons de dîner avec nous. Cela la réjouit, d'ordinaire elle ne mange que du porridge. Ce soir, surprise, c'est pasta party. Je commence à faire cuire les pâtes avec 2 tomates et un oignon mendiés au troquet de Spitzkopp. Arrive la fille d'Ernestine, Caroline. Je rajoute des pâtes. Puis ce sont les neveux qui débarquent, Petrus et Yannis. Panique en cuisine : "Ernestine, passe moi une casserole plus grande". Avec autant de convives, il faut passer à la vitesse supérieure. J'ajoute une boîte de saucisses. Au moment de servir, voilà Fertous, le mari. Bruno a une idée de génie : la boîte de haricots sauce tomate (notre ration de survie, le truc que tu manges quand tu n'as vraiment plus rien, ou quand tu es en panne de réchaud). Je balance les haricots dans les pâtes aux saucisses. Sans me vanter les gars, je fais leur soirée ! Ils se lèchent tous les babines. Z'auriez vu les mines réjouies, et la tête de Yannis et Petrus quand je leur annonce qu'ils peuvent avoir du rab. Heureusement, le bébé, Emmanuel est trop petit pour manger des pâtes. Bien entendu, au petit dej, tout le monde est là, mon sac entier de muesli y passe. Allez y de bon cœur, raclez tout, ce soir, si tout va bien, nous arriverons à la civilisation, nous pourrons regarnir nos sacoches. Ils râclent tout. Ces moments là, c'est un peu ce qui fait le voyage. Les esprits chagrins penseront peut être qu'en Afrique, c'est toujours le blanc qui donne au noir. C'est faux, bien entendu, nous avons des tas d'exemple où c'est le contraire ! Justement, pendant que nous préparons à manger, un type arrive en voiture avec un bidon de 5 Litres d'eau minérale, il vient nous l'apporter car il a appris ( à environ 10 km de là), que des cyclistes avaient besoin d'eau.
Attention virage.
Les pistes de Namibie nous conduisent au cœur de cette terre sauvage et désertique, cette Afrique fantasmée par les baroudeurs, et parfois redoutée des cyclistes à cause de ses longues traversées dans le « grand rien ». Nous aimons ça, c'est un peu une parenthèse hors du monde. Cette journée là est inoubliable, nous avalons 100 km de piste, avec un petit vent de dos. Pour le camionneur, qui nous a doublé ce mation, c'est moins fun, nous le trouvons coincé dans le sable. Ses roues enfoncées, il ne peut plus ni avancer, ni reculer. Quand nous arrivons à l'étape du soir, il n'est toujours pas là. Pauvre homme. E t d'aventures, en aventures, après des journées fabuleuses sur d'improbables pistes, nous déboulons à l'océan, poussés par un vent arrière du tonnerre. Purée, que la vie est belle sous le soleil ! Sur ces 100 bornes, il y a un point d'ombre, un seul, un arbre sec, ne pas le louper.
Nous sommes à Henties bay, une ville de petite taille dans laquelle nous trouvons un bed and breakfast, et une douche ( ça fait longtemps que nous n'avons pas goûté à ce luxe, un lit et une douche..). Les proprios , qui ont l'air sympa, au premier abord, se revèlent de gros racistes, qui ont toujours peur de l'Afrique et des africains, alors que leur famille est installée là depuis 3 générations. Nous voulons partir en stop visiter une colonie de lions de mer. Le vent est tellement fou que nous ne voulons pas sortir les vélos aujourdhui, en plus, c'est trop loin pour faire l'aller retour dans la journée. Nos hôtes ne veulent pas que l'on prenne ce "risque" et nous mettent dans les pattes d'un ami du jardinier qui est noir, mais "inoffensif" à leurs dires. C'est consternant d'avoir des propos pareils, mais c'est fait, nous embarquons dans la vieille voiture de Jonas, qui se révèle très sympa et très "inoffensif". La colonie de lions de mer est impressionnante, des milliers de bêtes , dans l'eau, qui crient et se déplacent maladroitement hors de l'eau.
Le lendemain, nous voici partis en direction de Swakopmund, comme Henties bay, le long de l'océan, la baignade est possible, mais l'eau à 13 ou 14 degrés, c'est dissuasif. Swakop,c'est une ville que nous n'avons pas trop aimé, (ah la rigueur allemande...on se croirait en effet dans une ville en allemagne, ou en suisse, bref, pas le top), mais nous y retrouvons Ann et Philippe, que nous avons connus à Henties Bay.
Mais Walvis bay ne se laissera pas approcher aussi facilement. En effet, ne voulant pas prendre la route côtière, étroite et très passante, nous partons dans les terres sur 8km, avant de trouver une route parallèle à la côte. Je crois que nous avons mis presque 2 heures pour parcourir ces 8 km, le vent est dément et nous l'avons pleine face, il nous faut pousser le vélo la plupart du temps. Mais après cette misère, nous bifurquons, et un cordon de dunes nous protègeant des caprices d'Eole, nous savons que c'est gagné, nous dormirons à Walvis Bay ce soir, la route est un vrai billard.
Nous nous autorisons à pique niquer à l'ombre d'un panneau indicateur, l'ombre est une denrée rare en Namibie, et faisons encore une pause photo vers la dune 7, magnifique et imposante.
Les derniers km nous donnent encore du fil à retordre, car opérant un changement de direction pour prendre la route qui mène à l'océan, c'est une ambiance saharienne, nous nous faisons fouetter par le vent qui transporte de grandes quantités de sable, on n'y voit goutte, et n'hésitons pas à rouler sur les bas côtés pour ne pas prendre le risque de passer sous les roues d'un camion. Ils sont nombreux ici, Walvis Bay est un des ports les plus importants d'Afrique. Après l'Australie, le Brésil, Dubaï et les Pays-Bas, c'est en Namibie que l'on peut trouver un port à conteneurs construit sur des terres récupérées. Le terminal a été construit par la société publique chinoise China Harbour. La Chine s'ouvre ainsi une mega porte en Afrique australe.
Ouf, nous voici rendus. Nous retrouvons Anne et Philippe que nous avons connu quelques jours plus tôt.
Ce sont des voyageurs partis pour une longue exploration africaine. Ils sont très sympa (si je le mentionne, c'est aussi parceque ce n'est pas pas le cas de la grande majorité des voyageurs que nous rencontrons en Namibie 😜, loin s'en faut. Savez vous par exemple que les seuls qui ne lèvent pas le pied de l'accélérateur quand ils nous croisent sont les touristes. Pressés qu'ils sont, ils ne se gênent pas pour nous envelopper d'un beau nuage de poussière, jamais un petit signe, rien). À Walvis bay, nous partageons avec Anne et Philippe un super Airbnb avec vue sur la baie aux flamants roses. Quand ils nous proposent de les accompagner au restau, pas de problème, nous répondons présents au quart de tour. Tu m'étonnes, pas de pasta party cuites sur le réchaud à essence ce soir 🤣🤣
Quand ils nous proposent un tour en 4 x4 vers Sandwich harbour, nous restons un peu cons, jamais entendu parler de ce truc là. Mais ils nous en parlent avec tellement d'enthousiasme que nous acceptons. Et passons un très bel après-midi avec eux.
Maintenant, on sait : sandwich Harbour, c'est l'endroit où les hautes dunes du désert du Namib plongent dans l'océan.
Nous avons ainsi, donné nos derniers tours de pédale de ce voyage, plus que quelques jours avant de prendre l'avion de retour. Nous prendrons le bus pour retrouver une Windhoek plutôt glaciale (pour l'Afrique), il fait zero degrés la nuit, nous dormons dans une grande tente aménagée dans un camping du centre ville, il y a une couverture chauffante, nous saurons l'apprécier :
Que dire pour conclure ? Cette petite aventure nous a émerveillés, de A à Z. Dame nature nous a enchantés chaque jour. Cependant, au risque de me répèter, la différence de train de vie entre les namibiens est ahurissante et ne peut laisser indifférent le voyageur. La Namibie est le pays où le rapport entre le revenu moyen des 10 % les plus riches aux 10 % les plus pauvres est le plus élevé au monde. Une ferme de blancs ce sont des dizaines de milliers ha, une ferme de noirs c'est le plus souvent seulement quelques mauvaises terres caillouteuses. Bien que restant souvent les pieds dans le sable à l’écart des richesses, la plupart des namibiens noirs ont en commun leur sourire rayonnant, et leur accueil enthousiaste. Merci à vous, Aber, Moïse, Jacob and company, peut être se reverra t'on un jour, peut-être pas, mais vous venez enrichir ma liste de belles personnes qui illuminent nos voyages.
Voilà, c'etait un compte rendu rapide, car écrire ses aventures c'est bien, mais les vivre, c'est mieux, nous ne voulons pas passer trop de temps sur internet, nous avons trop à faire. De plus, nous n'avons pas embarqué d'ordinateur, et tenir à jpur un blog juste avec son téléphone, c'est carrément chiant. Ce qui explique le retard !